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chapitre 5 sophie Galler

Pour rappel, voici les théories du développement qu’on a vu jusqu’ici :

  • Les théories centrées sur les facteurs biologiques :

    • Perspective maturationniste, qui donne un rôle exclusif ou presque de la maturation du système biologique dans le développement moteur ou perceptif

    • Cette théorie propose que le développement soit une succession d’étapes reflétant des changements de stades de la structure biologique de l’organisme

  • Les théories centrées sur les facteurs environnementaux :

    • Les théories behavioristes qui expliquent le développement de l’enfant depuis la tabula rasa, et le comportement humain est le résultat d’un apprentissage basé sur l’association stimulus-réponse

    • Cette théorie propose que le développement compte pour quasiment tout le futur de l’individu, et ainsi qu’un enfant peut devenir ce que l’on veut qu’il devienne dans un environnement idéal à cet égard

  • Les théories interactionnistes, comme celle de Piaget, qui donne un rôle réciproque à la biologie et à l’environnement :

    • L’enfant a un rôle actif sur son environnement ; il agit sur lui et s’y adapte. Cette action enrichit son réseau de connaissances dont il dispose depuis la naissance et cet enrichissement lui permet de traiter des situations de plus en plus complexes


On sait cependant que l’enfant a un core knowledge avec lequel il nait, donc cette théorie béhavioriste est abolie.


La théorie neuro-constructiviste est une théorie interactionniste aussi, créée par Annette Karmiloff-Smith. Elle vise à intégrer la perspective de Piaget selon laquelle le développement constitue une élaboration progressive de la complexité des représentations mentales au travers de processus liés à l’expérience, avec les données émergentes sur la nature du développement du fonctionnement cérébral.


Annette Karmiloff-Smith est une neuroscientifique du développement née à Londres. Elle a rencontré Piaget à la librairie des Nations Unies où elle suit son cours et fera un doctorat avec lui. Sous elle, les troubles du développement ne sont pas normal moins quelque chose de cassé mais plutôt comme des trajectoires de développement qui empruntent des chemins différents.


La théorie neuro-constructiviste

Cette théorie a émergé dans les années 90 et elle résulte de l’invention de progrès dans les méthodes d’étude d’enfants et bébés, des progrès de techniques d’imagerie cérébrale (MEG, EEG, IRMf et NIRS) et des progrès dans la modélisation computationnelle (des simulations de cerveau par des ordinateurs).

Sur le plan théorique, il y a une volonté de réconcilier les approches biologiques et environnementales des théories du développement ; son souhait est d’apporter une approche développementale des fonctions cognitives.


Les principes de la théorie sont qu’il y aurait des interactions bidirectionnelles entre gènes, mécanismes cérébraux et environnement. La génétique influence le cerveau, le comportement, l’environnement, et chacune de ces composantes influence l’autre, et ce, à travers le développement. Ainsi, seule une analyse approfondie de l’ontogénèse est en mesure de mettre à jour la compréhension.

Par exemple, la synaptogénèse se fait au départ sous contrôle génétique. Cependant, par la suite, c’est par les stimulations environnementales que certaines synapses sont renforcées et d’autres inutilisés et éliminées. 


Les spécialisations cognitives et cérébrales de l’âge adulte sont le résultat d’un processus progressif de modularisation tout au long du développement. 

La modularisation est l’idée selon laquelle l’esprit comprend un certain nombre de modules spécialisés dans l’exécution d’un fonction cognitive. Ceux-ci fonctionnent automatiquement, inconsciemment et parallèlement, mais de façon indépendante. Chaque module cérébral aurait été spécifié, ce qui expliquerait qu’il soit parfaitement adapté à une fonction spécifique et indépendante. Le cerveau est alors vu comme un couteau suisse.


Plutôt qu’envisager le développement avec des modules pré-spécifiés transmis par l’ontogénèse, l’accent est mis sur l’importance des transformations progressives des processus génétiques, cognitifs et environnementaux qui interagissent durant la vie.


Les régions du cerveau du nourrissons sont plus actives que chez l’adulte. Chez l’enfant, plusieurs régions du cerveau s’activent pour une tâche alors que chez les adultes, même si le comportement est le même, l’activation corticale n’est pas la même ; ceci s’explique par le cerveau adulte qui est déjà mature et spécialisé.

Par exemple, le traitement des visages par le nourrissons est similaire en termes de comportement visible ; par contre, la réponse physiologique n’est pas la même. Le traitement cérébral des visages chez les bébés ne montre pas de spécialisation pour les visages présentés à l’endroit ; l’orientation du visage n’influence que à la suite dans le développement

Ces résultats suggèrent qu’il y a un processus de spécialisation progressive cortical des systèmes de traitement du visage au cours du développement.


Comment le cerveau construit la cognition ?

En quelques mots, il le fait en interaction avec l’environnement. Cependant, c’est selon certaines contraintes :

  • La fonction est centrale aux facteurs qui influencent l’émergence des représentations mentales au cours du développement pré et post-natal

  • Les représentations sont définies comme des patterns d’activation neuronales

  • Le développement de ces patterns neuronaux est fortement contraint par des facteurs intrinsèques et extrinsèques propres à l’individu en développement.


La trajectoire du développement cognitif apparait alors dans un contexte de contraintes développementales.


Ces contraintes précitées se retrouvent à plusieurs niveaux :

  • Un niveau génétique et cellulaire

  • Un niveau cérébral

  • Un niveau corporel

  • Un niveau social


Niveau génétique et cellulaire

L’activité des gènes n’est pas perçue comme une mise en œuvre d’un programme mais plutôt comme une activité régulée par l’environnement interne et externe ; le contexte peut donc influencer les gènes.

Le développement d’une cellule isolée est influencé par des interactions moléculaires avec des cellules voisines. Ainsi, les cellules se développement pour former des réseaux tout en se spécialisant en raison de l’activité neuronale spontanée et du feedback environnemental. L’expérience modifie donc les réseaux, qui en retour soutiennent les représentations de l’expérience.


Niveau cérébral

Le développement cérébral est lié au développement des régions du cerveau. A leurs tour, les régions du cerveau interagissent pendant le développement. Elles s’ajustent à leurs fonctions, conséquence dépendante de l’expérience.

Différentes régions deviennent cérébrales plus fortement connectées les unes aux autres en raison de leur propre histoire, donc de leur activation simultanée dans un comportement fréquent de l’enfant.


On peut rappeler l’étude de Kelly et al (2009) du cours 1 qui étudia le développement de 5 réseaux fonctionnels (moteur, attentionnel, traitement de l’erreur, mentalisation et régulation émotionnelle) et démontra que les réseaux sont plus diffus chez l’enfant et se localisent avec l’âge


Niveau corporel

C’est évidemment au travers du corps que l’enfant explore son environnement, et donc c’est grâce au corps que l’environnement peut influencer le développement cérébral de l’enfant. Nos organes sensoriels déterminent les représentations qu’on a. Certaines contraintes corporelles persistent (les humains voient la même proportion du spectre de la lumière indépendamment de l’âge), d’autres changent au cours du développement.


Par exemple, pendant les premiers mois de la vie, l’acuité visuelle et le contrôle moteur est limité. Cette contrainte est fort limitante, notamment pour la complexité des représentations de l’enfant. Avec l’âge, la mobilité se développe et l’étendue des expériences possibles accroît ; cet accroissement permet d’augmenter la complexité des représentations du monde puisqu’il peut faire des expériences de plus en plus fines.


Niveau social

Les expériences et l’information que l’enfant extrait de l’environnement social contraint son élaboration neuronale. Ces expériences se déroulent avec sa famille proche d’abord, mais l’environnement social va grandir avec le temps, constituant une contrainte sociale de plus en plus importante.


A partir de ces contraintes multidimensionnelles, 3 mécanismes façonnent l’émergence de représentations nouvelles :

  • Le mécanisme de compétition – les composants d’un système se spécialisent sur différents aspects du processus ce qui permet la constitution de représentations minimales stables

  • Le mécanisme de coopération – il y a intégration de composants distincts ce qui permet de réutiliser des connaissances préexistantes et ainsi d’augmenter l’efficacité globale en coordonnant des fonctions spécifiques mais liées entre elles

  • Le mécanisme de chronotopieles évènements se produisent à un moment donné, dans un contexte donné, et ceci est intégré dans les représentations


Les trajectoires développementales sont donc déterminées par les contraintes qui opèrent à de nombreux niveaux sur la construction des représentations mentales, et ce, depuis la naissance. Cette perspective offre une vision unifiée et intégrative du développement typique ou atypique, puisque la variabilité des contraintes considérées peut aboutir à une modification des trajectoire développementales.

Le développement d’un enfant atteint d’un handicap est donc plutôt vu comme un développement dans le respect de ses contraintes handicapantes.


Implications pour le développement atypique

Dans la mesure où le cerveau se développe comme un tout dès l’embryogénèse, il nous semble très improbable que des enfants atteints de troubles génétiques commenceront avec un ensemble disparate de modules cognitifs bien ségrégés, les uns déficients et les autres préservés.


La théorie neuro-constructiviste postule que dans le cas d’un développement atypique, les déficiences développementales existent depuis l’embryogénèse et ces déficiences se diffusent dans l’ensemble du cerveau avec le temps.

Comme l’on disait tout au début, le développement atypique n’est pas tout fonctionnel intacte ce qui est déficient dans lequel les modules non-affectés sont considérés comme normaux et indépendants. Ainsi, les chercheurs sont encouragés à rechercher de effets au-delà du comportement manifeste pour se demander si quelconque comportement réussi serait atteint par les mêmes processus cognitifs sous-jacents que dans le développement normal.


Prenons l’exemple du syndrome de Williams, un trouble développemental neuronal provoqué par un effacement d’environ 20 gènes du chromosome 7. Sa fréquence est d’un cas sur 20,000 ; les caractéristiques cliniques comprennent des anormalités physiques, un retard mental léger ou modéré et une personnalité particulière.

Ces patients reconnaissent les visages de manière similaire à des sujets sains. Par contre, des études montrent que les processus cognitifs et électrophysiologiques de ces patients sont différents, remettant en cause cette similarité.

Notre cerveau analyse rapidement les relations spatiales entre les éléments du visage, mais le visage est traité holistiquement. Dans le SW, la reconnaissance se fait en termes de traits ; ces personnes vont se concentrer sur les éléments faciaux qu’ils traitent de façon séparée. De plus, ils ont plus de chances d’utiliser l’hémisphère gauche pour le traitement des visages, alors que c’est usuellement le droit qui prédomine, ils traitent les visages de la même façon indépendamment de la direction du visage (à l’endroit ou à l’envers), et le traitement est plus lent, plus tardif et avec un potentiel évoqué moins ample.


L’approche neuro-constructiviste prédit qu’en raison de la façon dont les gènes interagissent dans l’expression développementale, nous devrions rechercher d’autres déficiences plus subtiles et concomitantes dans les troubles du développement.


Ceci peut s’illustrer par le trouble développemental du langage (TDL) qui concerne l’élaboration du langage oral et qui entraîne des troubles importants dans la compréhension et l’expression du langage parlé. C’est un trouble sévère et persistant, mais qu’on distingue du retard de langage qui lui revient à la norme (les TDL résistent à la rééducation). Ce n’est pas un trouble à causes biomédicales, il émerge dans le développement.

Il a été démontré que les personnes ayant des déficits de langage comme des TDL ou la dyslexie présentent souvent une déficience (quoique moindre) du contrôle moteur, par exemple de l’équilibre.

On ne peut plus juste parler de TDL, mais plutôt d’un trouble préjudiciable au langage parlé ou écrit, et qui donne également d’autres problèmes dans d’autres domaines.


Implications pour l’étude du développement

Studying infants and children has little or nothing to do with development.

Annette Karmiloff-Smith a dit ceci car comparer le cerveau de l’adulte à celui de l’enfant n’est pas développemental. Ça ne démontre rien sur la trajectoire développementale de la cognition.

Néanmoins, la majorité des études s’intéressent à un groupe d’âge spécifique, ou justement à une comparaison entre enfants et adultes.

Comment étudier le développement ?


Bien que couteuses, les études longitudinales répondent bien aux problèmes précités. Tester répétitivement un même groupe d’enfant à travers les mois ou années permet de rendre compte de tout changement développemental.

Les training studies sur des périodes courtes le permettent aussi ; ce sont des études de changements cérébraux induites par des entrainements dans une fonction X. Ceci permet de déterminer ce que l’apprentissage de cette fonction apporte au cerveau, autant chez l’adulte que chez l’enfant. 

En effet, le développement cognitif et neuronal est dynamique à travers la vie ; il n’y a pas de fin chez les adultes, qu’ils soient sains ou pas. 


Si nous voulons vraiment comprendre les changements progressifs dans le cerveau, il faut adopter une approche dynamique à plusieurs niveaux de l’épigénétique, de la structure et de la fonction cérébrale, de la connectivité du réseau, de la cognition, du comportement et de l’environnement dans lequel la notion de développement compte vraiment.


Synthèse

  1. La théorie neuro-constructiviste est apparue dans les années 90 et réconcilie les approches centrées sur les facteurs biologiques et celles centrées sur les facteurs environnementaux

  2. C’est une approche développementale des fonctions cognitives

  3. Elle considère le développement comme des transformations progressives des processus génétiques, neuronaux, cognitifs et environnementaux qui interagissent tout au long de la vie

  4. Les troubles développementaux ne devraient pas être compris comme normal moins ce qui est cassé mais plutôt comme une trajectoire de développement différente avec des déficiences diffuses

  5. Il faut rechercher des effets au-delà du comportement manifeste et se demander si un comportement réussi est atteint par les mêmes processus cognitifs sous-jacents que dans le développement normal

  6. Étudier le développement, ce n’est pas comparer enfant et étude, mais c’est étudier les changement de l’individu dans le temps

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chapitre 5 sophie Galler

Pour rappel, voici les théories du développement qu’on a vu jusqu’ici :

  • Les théories centrées sur les facteurs biologiques :

    • Perspective maturationniste, qui donne un rôle exclusif ou presque de la maturation du système biologique dans le développement moteur ou perceptif

    • Cette théorie propose que le développement soit une succession d’étapes reflétant des changements de stades de la structure biologique de l’organisme

  • Les théories centrées sur les facteurs environnementaux :

    • Les théories behavioristes qui expliquent le développement de l’enfant depuis la tabula rasa, et le comportement humain est le résultat d’un apprentissage basé sur l’association stimulus-réponse

    • Cette théorie propose que le développement compte pour quasiment tout le futur de l’individu, et ainsi qu’un enfant peut devenir ce que l’on veut qu’il devienne dans un environnement idéal à cet égard

  • Les théories interactionnistes, comme celle de Piaget, qui donne un rôle réciproque à la biologie et à l’environnement :

    • L’enfant a un rôle actif sur son environnement ; il agit sur lui et s’y adapte. Cette action enrichit son réseau de connaissances dont il dispose depuis la naissance et cet enrichissement lui permet de traiter des situations de plus en plus complexes


On sait cependant que l’enfant a un core knowledge avec lequel il nait, donc cette théorie béhavioriste est abolie.


La théorie neuro-constructiviste est une théorie interactionniste aussi, créée par Annette Karmiloff-Smith. Elle vise à intégrer la perspective de Piaget selon laquelle le développement constitue une élaboration progressive de la complexité des représentations mentales au travers de processus liés à l’expérience, avec les données émergentes sur la nature du développement du fonctionnement cérébral.


Annette Karmiloff-Smith est une neuroscientifique du développement née à Londres. Elle a rencontré Piaget à la librairie des Nations Unies où elle suit son cours et fera un doctorat avec lui. Sous elle, les troubles du développement ne sont pas normal moins quelque chose de cassé mais plutôt comme des trajectoires de développement qui empruntent des chemins différents.


La théorie neuro-constructiviste

Cette théorie a émergé dans les années 90 et elle résulte de l’invention de progrès dans les méthodes d’étude d’enfants et bébés, des progrès de techniques d’imagerie cérébrale (MEG, EEG, IRMf et NIRS) et des progrès dans la modélisation computationnelle (des simulations de cerveau par des ordinateurs).

Sur le plan théorique, il y a une volonté de réconcilier les approches biologiques et environnementales des théories du développement ; son souhait est d’apporter une approche développementale des fonctions cognitives.


Les principes de la théorie sont qu’il y aurait des interactions bidirectionnelles entre gènes, mécanismes cérébraux et environnement. La génétique influence le cerveau, le comportement, l’environnement, et chacune de ces composantes influence l’autre, et ce, à travers le développement. Ainsi, seule une analyse approfondie de l’ontogénèse est en mesure de mettre à jour la compréhension.

Par exemple, la synaptogénèse se fait au départ sous contrôle génétique. Cependant, par la suite, c’est par les stimulations environnementales que certaines synapses sont renforcées et d’autres inutilisés et éliminées. 


Les spécialisations cognitives et cérébrales de l’âge adulte sont le résultat d’un processus progressif de modularisation tout au long du développement. 

La modularisation est l’idée selon laquelle l’esprit comprend un certain nombre de modules spécialisés dans l’exécution d’un fonction cognitive. Ceux-ci fonctionnent automatiquement, inconsciemment et parallèlement, mais de façon indépendante. Chaque module cérébral aurait été spécifié, ce qui expliquerait qu’il soit parfaitement adapté à une fonction spécifique et indépendante. Le cerveau est alors vu comme un couteau suisse.


Plutôt qu’envisager le développement avec des modules pré-spécifiés transmis par l’ontogénèse, l’accent est mis sur l’importance des transformations progressives des processus génétiques, cognitifs et environnementaux qui interagissent durant la vie.


Les régions du cerveau du nourrissons sont plus actives que chez l’adulte. Chez l’enfant, plusieurs régions du cerveau s’activent pour une tâche alors que chez les adultes, même si le comportement est le même, l’activation corticale n’est pas la même ; ceci s’explique par le cerveau adulte qui est déjà mature et spécialisé.

Par exemple, le traitement des visages par le nourrissons est similaire en termes de comportement visible ; par contre, la réponse physiologique n’est pas la même. Le traitement cérébral des visages chez les bébés ne montre pas de spécialisation pour les visages présentés à l’endroit ; l’orientation du visage n’influence que à la suite dans le développement

Ces résultats suggèrent qu’il y a un processus de spécialisation progressive cortical des systèmes de traitement du visage au cours du développement.


Comment le cerveau construit la cognition ?

En quelques mots, il le fait en interaction avec l’environnement. Cependant, c’est selon certaines contraintes :

  • La fonction est centrale aux facteurs qui influencent l’émergence des représentations mentales au cours du développement pré et post-natal

  • Les représentations sont définies comme des patterns d’activation neuronales

  • Le développement de ces patterns neuronaux est fortement contraint par des facteurs intrinsèques et extrinsèques propres à l’individu en développement.


La trajectoire du développement cognitif apparait alors dans un contexte de contraintes développementales.


Ces contraintes précitées se retrouvent à plusieurs niveaux :

  • Un niveau génétique et cellulaire

  • Un niveau cérébral

  • Un niveau corporel

  • Un niveau social


Niveau génétique et cellulaire

L’activité des gènes n’est pas perçue comme une mise en œuvre d’un programme mais plutôt comme une activité régulée par l’environnement interne et externe ; le contexte peut donc influencer les gènes.

Le développement d’une cellule isolée est influencé par des interactions moléculaires avec des cellules voisines. Ainsi, les cellules se développement pour former des réseaux tout en se spécialisant en raison de l’activité neuronale spontanée et du feedback environnemental. L’expérience modifie donc les réseaux, qui en retour soutiennent les représentations de l’expérience.


Niveau cérébral

Le développement cérébral est lié au développement des régions du cerveau. A leurs tour, les régions du cerveau interagissent pendant le développement. Elles s’ajustent à leurs fonctions, conséquence dépendante de l’expérience.

Différentes régions deviennent cérébrales plus fortement connectées les unes aux autres en raison de leur propre histoire, donc de leur activation simultanée dans un comportement fréquent de l’enfant.


On peut rappeler l’étude de Kelly et al (2009) du cours 1 qui étudia le développement de 5 réseaux fonctionnels (moteur, attentionnel, traitement de l’erreur, mentalisation et régulation émotionnelle) et démontra que les réseaux sont plus diffus chez l’enfant et se localisent avec l’âge


Niveau corporel

C’est évidemment au travers du corps que l’enfant explore son environnement, et donc c’est grâce au corps que l’environnement peut influencer le développement cérébral de l’enfant. Nos organes sensoriels déterminent les représentations qu’on a. Certaines contraintes corporelles persistent (les humains voient la même proportion du spectre de la lumière indépendamment de l’âge), d’autres changent au cours du développement.


Par exemple, pendant les premiers mois de la vie, l’acuité visuelle et le contrôle moteur est limité. Cette contrainte est fort limitante, notamment pour la complexité des représentations de l’enfant. Avec l’âge, la mobilité se développe et l’étendue des expériences possibles accroît ; cet accroissement permet d’augmenter la complexité des représentations du monde puisqu’il peut faire des expériences de plus en plus fines.


Niveau social

Les expériences et l’information que l’enfant extrait de l’environnement social contraint son élaboration neuronale. Ces expériences se déroulent avec sa famille proche d’abord, mais l’environnement social va grandir avec le temps, constituant une contrainte sociale de plus en plus importante.


A partir de ces contraintes multidimensionnelles, 3 mécanismes façonnent l’émergence de représentations nouvelles :

  • Le mécanisme de compétition – les composants d’un système se spécialisent sur différents aspects du processus ce qui permet la constitution de représentations minimales stables

  • Le mécanisme de coopération – il y a intégration de composants distincts ce qui permet de réutiliser des connaissances préexistantes et ainsi d’augmenter l’efficacité globale en coordonnant des fonctions spécifiques mais liées entre elles

  • Le mécanisme de chronotopieles évènements se produisent à un moment donné, dans un contexte donné, et ceci est intégré dans les représentations


Les trajectoires développementales sont donc déterminées par les contraintes qui opèrent à de nombreux niveaux sur la construction des représentations mentales, et ce, depuis la naissance. Cette perspective offre une vision unifiée et intégrative du développement typique ou atypique, puisque la variabilité des contraintes considérées peut aboutir à une modification des trajectoire développementales.

Le développement d’un enfant atteint d’un handicap est donc plutôt vu comme un développement dans le respect de ses contraintes handicapantes.


Implications pour le développement atypique

Dans la mesure où le cerveau se développe comme un tout dès l’embryogénèse, il nous semble très improbable que des enfants atteints de troubles génétiques commenceront avec un ensemble disparate de modules cognitifs bien ségrégés, les uns déficients et les autres préservés.


La théorie neuro-constructiviste postule que dans le cas d’un développement atypique, les déficiences développementales existent depuis l’embryogénèse et ces déficiences se diffusent dans l’ensemble du cerveau avec le temps.

Comme l’on disait tout au début, le développement atypique n’est pas tout fonctionnel intacte ce qui est déficient dans lequel les modules non-affectés sont considérés comme normaux et indépendants. Ainsi, les chercheurs sont encouragés à rechercher de effets au-delà du comportement manifeste pour se demander si quelconque comportement réussi serait atteint par les mêmes processus cognitifs sous-jacents que dans le développement normal.


Prenons l’exemple du syndrome de Williams, un trouble développemental neuronal provoqué par un effacement d’environ 20 gènes du chromosome 7. Sa fréquence est d’un cas sur 20,000 ; les caractéristiques cliniques comprennent des anormalités physiques, un retard mental léger ou modéré et une personnalité particulière.

Ces patients reconnaissent les visages de manière similaire à des sujets sains. Par contre, des études montrent que les processus cognitifs et électrophysiologiques de ces patients sont différents, remettant en cause cette similarité.

Notre cerveau analyse rapidement les relations spatiales entre les éléments du visage, mais le visage est traité holistiquement. Dans le SW, la reconnaissance se fait en termes de traits ; ces personnes vont se concentrer sur les éléments faciaux qu’ils traitent de façon séparée. De plus, ils ont plus de chances d’utiliser l’hémisphère gauche pour le traitement des visages, alors que c’est usuellement le droit qui prédomine, ils traitent les visages de la même façon indépendamment de la direction du visage (à l’endroit ou à l’envers), et le traitement est plus lent, plus tardif et avec un potentiel évoqué moins ample.


L’approche neuro-constructiviste prédit qu’en raison de la façon dont les gènes interagissent dans l’expression développementale, nous devrions rechercher d’autres déficiences plus subtiles et concomitantes dans les troubles du développement.


Ceci peut s’illustrer par le trouble développemental du langage (TDL) qui concerne l’élaboration du langage oral et qui entraîne des troubles importants dans la compréhension et l’expression du langage parlé. C’est un trouble sévère et persistant, mais qu’on distingue du retard de langage qui lui revient à la norme (les TDL résistent à la rééducation). Ce n’est pas un trouble à causes biomédicales, il émerge dans le développement.

Il a été démontré que les personnes ayant des déficits de langage comme des TDL ou la dyslexie présentent souvent une déficience (quoique moindre) du contrôle moteur, par exemple de l’équilibre.

On ne peut plus juste parler de TDL, mais plutôt d’un trouble préjudiciable au langage parlé ou écrit, et qui donne également d’autres problèmes dans d’autres domaines.


Implications pour l’étude du développement

Studying infants and children has little or nothing to do with development.

Annette Karmiloff-Smith a dit ceci car comparer le cerveau de l’adulte à celui de l’enfant n’est pas développemental. Ça ne démontre rien sur la trajectoire développementale de la cognition.

Néanmoins, la majorité des études s’intéressent à un groupe d’âge spécifique, ou justement à une comparaison entre enfants et adultes.

Comment étudier le développement ?


Bien que couteuses, les études longitudinales répondent bien aux problèmes précités. Tester répétitivement un même groupe d’enfant à travers les mois ou années permet de rendre compte de tout changement développemental.

Les training studies sur des périodes courtes le permettent aussi ; ce sont des études de changements cérébraux induites par des entrainements dans une fonction X. Ceci permet de déterminer ce que l’apprentissage de cette fonction apporte au cerveau, autant chez l’adulte que chez l’enfant. 

En effet, le développement cognitif et neuronal est dynamique à travers la vie ; il n’y a pas de fin chez les adultes, qu’ils soient sains ou pas. 


Si nous voulons vraiment comprendre les changements progressifs dans le cerveau, il faut adopter une approche dynamique à plusieurs niveaux de l’épigénétique, de la structure et de la fonction cérébrale, de la connectivité du réseau, de la cognition, du comportement et de l’environnement dans lequel la notion de développement compte vraiment.


Synthèse

  1. La théorie neuro-constructiviste est apparue dans les années 90 et réconcilie les approches centrées sur les facteurs biologiques et celles centrées sur les facteurs environnementaux

  2. C’est une approche développementale des fonctions cognitives

  3. Elle considère le développement comme des transformations progressives des processus génétiques, neuronaux, cognitifs et environnementaux qui interagissent tout au long de la vie

  4. Les troubles développementaux ne devraient pas être compris comme normal moins ce qui est cassé mais plutôt comme une trajectoire de développement différente avec des déficiences diffuses

  5. Il faut rechercher des effets au-delà du comportement manifeste et se demander si un comportement réussi est atteint par les mêmes processus cognitifs sous-jacents que dans le développement normal

  6. Étudier le développement, ce n’est pas comparer enfant et étude, mais c’est étudier les changement de l’individu dans le temps